Les Poilus est un jeu de Fabien Riffaud & Juan Rodriguez, illustré d’une main de maître par le regretté Tignous, victime innocente, lui aussi, de la barbarie moderne et d’une idéologie tout aussi contestable que moyenâgeuse… Qu’en est-il du jeu et de cet héritage lourd de signification qu’est l’amitié face à l’horreur ?
Les « Poilus » est un jeu carte coopératif, édité par les éditions Sweet November, dans sa collection Sweet Games, retraçant l’épopée d’un petit groupe de soldats de la guerre 1914-1918, appelés communément les poilus, vers la Paix. Bien entendu, il faudra surmonter ensemble dans cette même galère, diverses situations périlleuses au travers de cartes qui composent le paquet de « menaces ».
Vous incarnez donc un de ces poilus, héros anonymes d’une guerre que vous ne vouliez pas. Vous n’avez rien demandé et pourtant vous êtes là, avec vos collègues d’infortune, au coeur d’un conflit stupide où votre seule chance de vous en sortir, sera d’essayer de survivre jusqu’à ce que la colombe de la paix danse dans le ciel bleu de nos contrées européennes. Mais trêve de poésie maladroite et presque inappropriée et revenons plutôt à nos poilus, côté jeu.
La fleur au fusil
Les Poilus, le jeu, contient 59 cartes « menaces » qui vont servir à créer deux piles distinctes.
La première de ces piles, la plus importante à nos yeux de poilus, est la pile des épreuves qui nous attendent avant de connaître l’immense soulagement de la Paix. Si les joueurs arrivent à vider cette pile, une carte colombe annonce la fin du cauchemar et c’est la victoire.
La seconde pile représente quant à elle le Moral de notre groupe. Si la pile est vide, à n’importe quel moment nous découvrons alors une carte avec une illustration de monument aux morts, qui signifie de fait votre défaite (et ça, ce n’est pas la fête).
À chaque tour, le premier joueur, qui sera nommé chef de mission, va évaluer l’intensité de la mission en donnant un nombre de cartes menaces piochées de la pile des épreuves (chemin vers la Paix) à chacun des joueurs. C’est ce nombre de carte qu’il va falloir gérer ensuite – et plus il y a de cartes, plus c’est difficile. Il donnera ensuite un jeton « discours » au joueur situé à sa droite
Le feu de l’action
Parmi les actions possibles, le joueur aura le choix entre jouer une carte « menaces » de sa main, se replier (soutien), utiliser un discours et utiliser son porte-bonheur.
Pour réussir une mission, et donc espérer s’en sortir ensemble, chaque joueur devra poser devant lui une carte « menaces » représentant un objet (masque à gaz, obus et sifflet -ordre de charger-) et un aspect climatique hostile (nuit, pluie et neige).
Notez qu’en plus des menaces de la guerre (climat, objet) évoqués ci-dessus, il y a parmi les cartes « menaces », des cartes de coup dur qui vont donner des malus et qui vont affecter votre façon de jouer (souvent par obligation).
Les coups durs, véritables saloperies, sont symbolisés par un éclair rouge. Si, à tout moment, un joueur a devant lui 4 éclairs rouges, la partie est perdue pour tout le monde.
Un jeu velu
À n’importe quel moment de la mission, si trois menaces identiques (climat ou objet) sont révélés, la mission est un échec. Le but de chaque mission étant de réussir à se défausser d’un maximum de cartes sans risquer votre vie et celle de vos camarades. Il vaut mieux parfois conserver une ou plusieurs cartes en main et se replier pour marquer la fin de la mission en cours.
Se replier implique donc que vous ne participez plus à la mission, vous jouez alors une tuile soutien sur votre personnage. Les soutiens permettent aux joueurs concernés de bénéficier de l’aide du groupe et se défausser jusqu’à deux coups durs OU de récupérer leur porte-bonheur.
En cas d’échec de la mission en cours, seuls les soutiens déjà en place comptent et le bénéficiaire ne peut que se défausser d’une seule carte coup dur (et ne peut récupérer son porte-bonheur).
Jouer une tuile discours va permettre aux joueurs – hors orateur – participant à la mission de se défausser directement de leur main une carte « menace » (autre qu’un coup dur) qu’aura annoncée au préalable l’homme de parole. Les discours joués sont définitivement retirés du jeu.
Imprimer le rêve de la fraternité
« Les Poilus », sous son aspect de petit jeu, est un véritable jeu de coopération au sens noble du terme. Car déjà traiter un sujet pareil dans un jeu qui, à priori, n’intéressent pas les jeunes générations, c’est couillu.
De plus, de tous les jeux où c’est souvent de la baston à outrance (mais c’est cool quand même dans un monde imaginaire), le jeu « les Poilus » se démarque des autres car on ne vise pas d’ennemi particulier.
On veut juste survivre, ensemble et passer au travers de cette tragédie qui a réellement eu lieu. Et, étrangement – c’est ce qui en fait sa force – c’est l’immense immersion ludique qu’il procure. C’est une véritable réussite qui m’a conquis et pour laquelle j’ai enchaîné parties sur parties avec la même envie.
Le jeu est simple à appréhender, à comprendre et surtout à jouer. Il ne demande pas de savants calculs mais une cohésion de groupe comme peu de jeu savent le faire. Situation : « voilà, je suis dans la m… jusqu’au cou, alors comment allons-nous nous en sortir avec ce que l’on a en main ? » Là est toute la subtilité de « les Poilus ».
Le slogan du jeu « L’amitié plus forte que la guerre ? » prend, dans cette expérience ludique unique une saveur insoupçonnée et profonde que je ne saurais que vivement vous recommander car elle fait du bien.
Enfin, « les Poilus » c’est pour moi, de façon moins objective sans doute, la joie de contempler les illustrations pleine de sensibilité de Tignous qui, elles, demeurent.
Retrouvez l’article sur Les Poilus, à l’époque bénite où nous faisions un magazine, dans le numéro 2 de l’Encéphalovore (à télécharger ici).
Info + : le jeu n’est plus chez Sweet November, il est passé chez Cool Mini Or Not en tant qu’éditeur bien après la rédaction de l’article (précédement CMON était distributeur USA et zone anglaise, uniquement), et par conséquence il revient en France par EDGE qui est donc distribué par Asmodée.
Auteurs | Peter Mcpherson |
Illustrateur | Matt Paquette |
Editeur | Lucky Duck Games |
Nombre de joueurs | 2 à 4 |
Durée | 45 minutes |
Age | 10 ans |
Prix | 35 € |
Coopératif ! Corsé De jolies couleurs 4 missions Un jeu nerveux Fun La tour ! | |
Coopératif Corsé (peut être démoralisant) Tributaire d’un facteur chance très présent Répétitif, malgré les 4 missions |