L’Interview fleuve de Fabien Gridel

Fabien Gridel est une personne qui sait ce qu’elle veut. Il connait son sujet et Il a une énorme culture ludique.
Il est un des auteurs de Turing Machine, Kronologic et de Path Of Civilisation. Et mon petit doigt me dit qu’on n’a pas fini d’entendre parler de lui.
Fabien a plein de chose à dire et il en a déjà dit beaucoup. Alors pour éviter de lui faire perdre son temps et le vôtre, nous avons tenté de lui poser des questions qu’on ne lui avait pas déjà posé. Nous nous sommes basés sur ces 2 entrevues pour faire la nôtre : l’interview de polgara :  et celle de Punchboard.


L’ENCEPHALOVORE : Bonjour Fabien, il y a un quelque chose qui revient régulièrement dans tes interviews, tu te présentes toujours en tant que connard ? Et en tant que connard, j’ai vu que tu aimais bien jouer des rôles de traite ?

Fabien GRIDEL : C’est peut-être parce que j’en suis un ! En fait, il y a une vraie histoire. Il y a 25 ans les échanges se faisaient surtout sur les forums et principalement Tric Trac. C’était là où se passaient les polémiques et je me suis fait traiter de nombreuses fois de connard.
J’apprécie aussi les jeux à confrontation. Et si je n’ai pas un goût prononcé pour la trahison ; Il y avait une époque où il y avait une mode dans les jeux on trouvait beaucoup de jeux d’enfoirés. Je pense à Rette Sich Wer Kann, un vieux jeu allemand. Je pense aussi à Intrigue de Stefan Dorra. Des jeux qui obligent les joueurs à trahir. Il y a des jeux de diplomatie, d’alliance, de conquête, où à un moment, il faut choisir son camp, il faut s’allier avec quelqu’un. Quoi que tu fasses, quel que soit ton choix, tu vas décevoir quelqu’un. Ces jeux et les émotions qu’ils procurent m’ont fasciné quand je les ai découverts.
Dans Intrigue, tu reçois des pots de vin, les pots de vin sont cachés, donc les gens ne savent pas si d’autres t’ont soudoyé. Et après avoir pris tous les pots de vin, tu vas choisir quelqu’un, et pas forcément celui qui t’a donné le plus, car ce n’est pas une enchère !
C’est là où il y a la meilleure interaction. Le jeu te dit, quoi qu’on t’ait donné, tu vas choisir quelqu’un. Sur un critère qui n’est pas forcément lié à l’argent qui t’a été donné.
Les jeux d’enfoirés existent toujours, mais tellement plus édulcorés, et souvent sous un vernis “ambiance” comme le très bon Galèrapagos.


L’ENCEPHALO : On va faire le tour de tes jeux qui font l’actualité.
Pourquoi es-tu parti avec Scorpion Masqué éditeur québécois pour Turing Machine ?

F. GRIDEL : il y a une raison très simple, la genèse de Turing Machine était un de mes protos, et je l’avais présenté à Christian Lemay qui était le patron du Scorpion Masqué lors du salon d’Essen. On m’avait conseillé de le contacter parce qu’ils avaient fait Decrypto.
Decrypto n’est pas un jeu facile à expliquer. Plus tard, quand Yoann Levet a intégré le projet et qu’on a commencé à chercher des éditeurs, il a posté des photos sur Internet. Et Christian, qui avait vu le lien avec mon ancien proto s’en est rappelé. Il m’avait envoyé un email. Et c’est comme ça qu’on leur a envoyé un prototype au Canada. Ce n’était pas compliqué de travailler avec eux. Il y a juste un décalage horaire. Les réunions sont plutôt le soir pour nous pour que ce soit l’après-midi pour eux. Mais en vrai, ça ne pose pas vraiment de difficultés supplémentaires. C’est sûr que c’est parfois plus agréable d’être autour de la table, mais sincèrement, celà s’est merveilleusement passé.


L’E : Aurait pu en faire une application ?

F.G. : On s’est évidemment dit qu’une application autonome était possible. C’est simple, mais tout le bonheur de Turing Machine, c’est que ce n’est justement pas une application. C’est d’être bluffé qu’avec quatre bouts de carton, tu obtiens une réponse intelligente. Une
application à ce moment là gâcherait tout le plaisir du jeu.


Sur Turing Machine, tu avais annoncé 100 000 copies vendues ?

Je crois qu’on en est à plus que ça maintenant. Je suppose qu’on est à plus maintenant, mais je n’ai pas le chiffre précis.
Le Scorpion
masqué, c’est un éditeur de talent. On n’a qu’à voir leurs récents succès éditoriaux : Zombie Kids Evolution évidemment Decrypto dont on a parlé tout à l’heure. Cette année, ils ont fait un carton phénoménal avec Sky Team (il a eu le spiel depuis !). on s’est intégré dans cette suite de réussite. Nier le talent éditorial des scorpions masqués dans le succès de Turing Machine serait vraiment une grave erreur. Et sûrement que le fait qu’ils soient au Canada les aide probablement pour le marché américain, parce qu’ils assurent aussi beaucoup la promotion sur les différentes conventions nord-américaines.


Et côté brouzouf ? La part que tu touches est toujours à peu près de 3% ?

Je n’ai pas de données exactes, je vais donner la fourchette de ce qui se pratique dans le milieu. En vrai, je n’ai aucun problème à annoncer ce genre de trucs. Il y a plusieurs modes de calcul pour les droits d’auteur. Il y a des droits d’auteur qui se calculent sur le chiffre d’affaires de l’éditeur. Donc sur le montant que les éditeurs touchent quand ils vendent les boîtes à un distributeur. Avec Yoann, on partage nos droits d’auteur. Pour Turing Machine, on a eu un % évolutif, selon les ventes. On est dans la moyenne de ce qui se pratique. Il y a un autre mode de calcul qui se répand aussi beaucoup, c’est un pourcentage sur le prix public hors taxe, sur le MSRP. Donc du coup, il est beaucoup plus faible, mais il est sur le montant global du prix de vente.

Le MSRP (Manufacturer's Suggested Retail Price) est le "prix de détail suggéré par le fabricant". C'est le prix recommandé par le fabricant pour la vente d'un produit au détail, généralement utilisé pour les voitures, les appareils électroniques et d'autres biens de consommation.

Le MSRP sert de point de référence pour les consommateurs, les détaillants et les concessionnaires, mais il ne s'agit pas nécessairement du prix final auquel le produit sera vendu. Les détaillants ou concessionnaires peuvent vendre le produit à un prix inférieur ou supérieur en fonction de divers facteurs, tels que la demande, les promotions, la concurrence, ou les négociations avec les clients.

Sur Kronologic, on est toujours sur un rythme d’une sortie pour Cannes et six mois après une extension ?

On est toujours sur ce rythme-là. L’extension a été livrée il y a quelques semaines à l’éditeur. Ce sont des nouveaux scénarios qui utilisent la première boîte. Il y a bien sûr des twists. A ton tour de jeu tu continues de poser une question et tu obtiens toujours une réponse privée une réponse publique, c’est plutôt dans la façon de résoudre les problèmes que s’opère les changements.
Concernant le développement, quand on a fait le prototype avec Yoann, on avait chacun réfléchi à plein de scénarios de notre côté. J’avais des scénarios, Yoann avait des scénarios et puis on se réunissait on jouait aux scénarios de l’autre. On a constitué un grand pool de scénarios. Il y en a certains qu’on a sélectionnés pour la première boîte quand l’éditeur a fait le choix très pertinent de faire une première boîte sur Opéra de Paris. Il voulait faire une boîte avec trois scénarios, mais donc avec le même plan pour tous les scénarios.
De notre côté, on avait un scénario qui s’appelait « Banksy », le scénario se déroulait dans une galerie d’art, et il fallait démasquer Banksy : c’était le seul qui ne croisait personne. Pour ceux qui ont Opéra1920, ils auront reconnu le deuxième scénario : Le Fantôme de l’Opéra. Parce que ça marche parfaitement.
Le contrat initial avait été signé avec Super Meeple. Charles Amir qui nous a dit qu’ils allaient le faire avec Origames. De notre côté : plus de talent, c’est bénéfique pour nous et pour le jeu. La direction artistique est assuré c’est Igor Polouchine , et côté chef de projet, c’était Tiffany qui nous suit.


Tes jeux ont tous des titres anglophones, est-ce une volonté pour pouvoir mieux les vendre à l’étranger ?

Alors, je ne choisis jamais le nom de mes jeux. Je n’ai pas choisi Turing Machine, je n’ai pas choisi Rest in Peace, je n’ai pas choisi Path Of Civilization, et je n’ai pas choisi Kronologic.
Il y a une exception à cette règle-là, c’est que j’ai sorti en février dernier un jeu qui s’appelle Ta Pire Soirèe chez un éditeur qui s’appelle Bakakou. Il se trouve que Ta pire Soirée était aussi le nom du prototype. Le hasard a voulu qu’ils ont changé de nom plein de fois, ils ont fait plein de brainstorming, comme souvent dans l’édition. A la fin de tous les brainstorming, ils ont tranché, et ont gardé le nom du proto initial !!!
Si on me demande mon avis, je le donne mon avis sur les noms proposés. Je participe aux brainstorming, mais par contre c’est bien la décision de l’éditeur.
Pour Path of Civilization, moi j’avais proposé A Story of Mankind (Une histoire de l’humanité), et ce qui est devenu le sous-titre, il y a écrit A Story of Humankind.


A propos de Path of Civilisation, Tu avais fait des tests avec toutes les cartes visibles, les monuments et les leaders, ça remplissait toutes les conditions du jeu abstrait : pas de hasard, tout connaître d’avance, et finalement, tu as préféré ajouter du hasard ?

En fait, comme le jeu a évolué, j’ai peut-être 50 versions à la maison de Path of Civilization avec tout un tas de trucs différents. Il y a eu une version où il n’y avait pas du tout les leaders de la même manière, il y avait une version où il n’y avait pas la religion de la même manière. Il y a eu des versions où tout était visible dès le début de la partie. Il y avait une version où quand tu mettais des cartes à gauche, c’était uniquement pour acheter des merveilles. Au tout début, tu voyais les merveilles qui étaient toutes déjà révélées…
En terme de game design, est-ce que c’est vraiment intéressant pour les gens d’avoir toutes les informations dès le début de la partie ? C’est presque un faux débat. Si jamais tu joues, et qu’au début de la partie et avant ton premier tour, tu passes 45 minutes à tout analyser, je ne suis pas sûr que tu aies vraiment envie de faire la partie. Il y a une sorte de limite intellectuelle.
Il y a une anecdote assez rigolote. À l’EGA ( Experts Game Awards : prix des jeux experts en Belgique ). J’en profite ici pour saluer Stéphane Gobert qui est en charge de l’EGA 😉. ils ont joué au prototype quasi final. Et ils ont trouvé frustrant sur la piste de religion de ne pas savoir ce qu’il y a avant d’avancer. Je leur ai dit, jouez avec cette variante, ça ne change rien. Si tu es frustré de ne pas savoir à l’avance tout ce qui va sortir, le jeu marchera pareil si tu le fais. Tu as juste une surcharge mentale supplémentaire d’informations à intégrer. Mais en vrai, le jeu marche pareil. Donc, cacher des informations, ça permet de l’alléger et de le rendre plus accessible. On a tous un seuil différent du nombre d’informations assimilables ;)
Imagine faire découvrir le jeu à un nouveau joueur. Et lors de la mise en place, tu lui en mets le triple d’informations à ingérer. Alors que lui n’a pas besoin parce que savoir que tour 6 ou tour 7 il va pouvoir acheter Churchill… Que fera t’il de l’information ? il n’en fait rien. C’est contre-productif. Trop d’informations tue l’information.


Peux tu nous en dire plus sur le Game design et les mécaniques du jeu ?

Oui, je vais parler d’un truc débattu sur le forum de BGG : la gestion dans PoC de la “Priorité”. En général, sur un jeu complet de 1h30, tu joues 17 minutes (manip, setup etc…). En réalité, tu joues extrêmement peu. Là, l’objectif du jeu, c’était de faire en sorte que la densité du jeu soit énorme. C’est-à-dire que ton temps d’action soit plus important. A 4 joueurs en 1 heure, au lieu d’avoir joué que 15 minutes, tu en as joué plutôt 28. Donc, la gestion de la “priorité”, c’est vraiment que du game design pur et dur pour juste aller le plus vite à résoudre. C’est parfois un poil injuste, mais le bénéfice est énorme.
Sur l’équilibrage des civilisations, ça ne me dérangerait même pas de faire une partie où je perds toutes les priorités, où j’avais un plateau qui me dit « je perds toutes les priorités ». Le moment où c’est un peu plus déterminant, les priorités, en vérité, c’est plutôt sur la fin de la partie, ou parfois, où il y a des gens qui sont extrêmement agressifs en termes de développement et de “pick”.
Il y a des séquences de jeux qui font que les parties vont s’envoler au score et que le tirage des défis ne sont que des tirages de défis extrêmement positifs qui donnent de la recherche, qui donnent des cubes, qui donnent des machins choses. Donc, Tu as 4 joueurs autour de la table sur les 5 qui vont avoir un énorme développement, des scores dans les 100 points. Et du coup, il peut y avoir une pénurie à la fin. Et quand il y a une pénurie à la fin, évidemment, si dans ce qui reste à la priorité, tu as un avantage. Ça reste anecdotique.
Par ailleurs, Path of Civilization est une machine à reward. Comme à Candy Crush, tu gagnes tout le temps des points ou autres récompenses. La question, c’est de construire la meilleure machine à reward. C’est ça, et c’est vrai que ça fait du bien, parce que même si tu ne gagnes pas, tu t’es amusé.
Sur les astuces ergonomiques, j’avais cité Palm Island, c’est un jeu qui impressionne par sa façon de jouer. Ça m’impressionne toujours ce genre d’astuces ergonomiques qui crée le jeu.


Là, très récemment, il y a eu un petit jeu à deux dans la gamme des micro-games chez matagot, qui s’appelle Revolver Noir, qui est excellent dans le même genre, qui reprend un petit peu ce même genre d’astuce. Et je suis toujours fan quand c’est l’ergonomie qui crée le jeu. PoC a évidemment un petit truc ergonomique : on a cinq cartes, on en joue quatre, deux à gauche, deux à droite, une que tu perds définitivement.


La plupart du reste de l’ergonomie (icônes, designs, agencement), c’est clairement l’éditeur.
Moi, je suis nul à l’iconification, à la clarté, à la lisibilité, au choix des couleurs, etc. C’est l’éditeur qui a apporté qu’à gauche, c’était des carrés, et quand c’était des carrés, c’était des cubes, quand c’était des cubes, on les mettait dans des coupelles qui étaient carrées, de la même couleur, et ainsi de suite ! Tout ça, c’est l’éditeur. Je ne m’attribue pas du tout tous ces mérites ergonomiques.

Proto de Turing Machine

C’est Cédric Caumont, éditeur de talent, qui était avant à la tête de Repos Prod et qui a apporté beaucoup d’idées. Par exemple, moi, dans mon prototype, on plaçait également des cubes dans des coupelles pour la recherche (on avait pas le plateau individuel) ! Il y avait une coupelle devant chacune des colonnes technologiques que tu pouvais acheter. On dépensait des cubes aussi pour acheter des cartes technologie !
Et du coup, l’éditeur a dit « ça fait beaucoup de cubes, ça fait beaucoup de coupelles, ce n’est pas forcément très utile de savoir où on est tout le monde en permanence, et ça fait beaucoup de manipulations, on pourrait chacun l’avoir chez soi”. Le fait que ça soit pas des cubes, mais on va le mettre chez soi et on va mettre une autre forme : des ronds, comme ça il n’y aura plus jamais de problème de distinction entre la recherche et la production ! Quand tu vois un rond tu sais que ça progresse sur la piste de recherche. Toutes ces astuces ergonomiques : c’est l’éditeur et ça participe énormément à la qualité finale du jeu, d’avoir un truc qui est fluide rapide compréhensible où les gens n’ont pas de doute en voyant les icônes.
Il y a des auteurs de talent comme Wallace qui avaient très fréquemment dans ces jeux des exceptions. Mais les exceptions avaient toujours une justification historique. Si tu mettais tel truc à telle machin chose c’était particulier parce que à l’époque à ce moment-là, il y avait tel truc et tout. Lui est fan de détails historiques et rajouter une exception pour s’approcher un peu plus de la simulation ne lui pose aucun souci. Alors que moi, j’évite de faire des exceptions, j’évite les règles périphériques, les détails que justement on oublie quand on joue, les choses qu’il faut réexpliquer, qui sont sources d’erreurs et qui alourdissent la règle et alourdissent l’esprit.
Donc, si tu peux conserver l’état du jeu, l’esprit du jeu et sans faire d’exceptions, tant mieux. Le but est de faire le moins d’exceptions dans les effets, dans les pouvoirs. Il y a beaucoup d’effets et de pouvoirs qui ont changé pour éviter les exceptions.
J’ai peut-être dû faire plus de 500 parties de Path of Civilization, plus le solo j’ai dû en faire peut-être 200. Même en ayant fait 500 il y a toujours un moment où je pense que les Moai devraient avoir un point de victoire dessus. ils donnent pas de point de victoire les Moai ils coûtent 4 , ils t’en rapportent 3 bâtisseurs quand tu les construis c’est une carte verte qui te donne en plus une recherche industrielle. Je pense qu’il devrait y avoir un point de victoire c’est idiot, tu vois sur l’équilibrage, il y a toujours à faire…


Bruno Faiduti, notre parrain, disait que certains de ces jeux n’étaient pas équilibrés exprès, qu’il le disait ouvertement pour que les joueurs fassent le nécessaire pour contrebalancer ce déséquilibre. Si on peut éviter de se mettre M. FAIDUTTI à dos tout de suite !

Il a partiellement raison. Si tu fais un jeu où quoi que tu fasses, ça se vaut, le jeu ne marche pas. Il n’y a pas d’enjeu. Si tout ce que tu vas faire, que tu prennes la carte A ou la carte B, au final, ça ne change rien. C’est vrai, les jeux ne marchent pas. Dans ce paradigme là, il a 100% raison.
Là où je ne suis pas d’accord avec lui, c’est que dans un jeu de gestion, les cartes doivent être extrêmement bien équilibrées dans le rapport coût-puissance, mais elles doivent avoir un effet équilibré. Ce n’est pas tellement que les cartes soient vraiment équilibrées, c’est dans le contexte de la partie, elles ont pas le même enjeu ni le même intérêt. Donc il a globalement raison, on va dire, d’un point de vue du game design général, il faut que les cartes aient de l’enjeu et le déséquilibre crée de l’enjeu. Mais dans le cas des jeux de gestion, les cartes doivent être équilibrées, mais elles doivent provoquer un enjeu différent du fait de l’action ou de leur effet sur la partie.


Est-ce que tu gagnes toutes tes parties de path of civilisation ?

Je ne te cache pas que récemment, j’ai beaucoup joué sur BGA pour le tester. Pour le débuger, j’ai fait énormément de parties solo parce que tu lances et en 10 minutes, c’est fini, c’est très efficace. Ça permet de voir beaucoup de cartes, voir la résolution de beaucoup de cartes, voir la résolution de beaucoup de défis et ainsi de suite. En solo, je ne te cache pas que tu gagnes plus facilement, on ne va pas se mentir. Et j’en ai fait une en multiplayer tout à l’heure, que j’ai remportée de 2 points. Donc, on ne peut pas parler de grande victoire de Civilization. Non, non, je perds encore des parties face à Civilization. Heureusement, d’ailleurs, il m’arrive de rater des trucs, de faire des boulettes. Je suis comme tout le monde.


Une extension qui est prévue pour Path of Civilization ?

Elle a très bien avancé, il y a beaucoup de choses qu’on attend d’une extension. Il y a une partie qui est simplement du contenu. C’est ce que tu vois souvent dans Terraforming Mars, on te rajoute des cartes, des machins, des ceci, etc.
La partie contenue, c’est un peu la partie la plus facile. Pour donner des exemples, rajouter des nouveaux défis, même s’il y en a beaucoup dans la boîte, il y a un moment où t’en as quand même fait le tour. Et ça, t’y peux rien. L’éditeur en avait déjà mis énormément. Il y en a 12 par âges, donc 48 en tout. Ça fait un nombre de tirages absolument hallucinant. Mais malgré ça, tu pourrais en avoir envie d’autre.
Il y a donc une partie contenue des nouvelles merveilles des nouveaux leaders, des nouveaux défis etc.
Puis il y a une partie mécanique, c’est un peu plus délicat parce que dans Path of Civilization il y a quand même une structure de jeu qui est malgré tout extrêmement rigide. Le jeu est séquencé et ce qu’on ne veut pas perdre c’est le fait que le jeu soit extrêmement rapide et simultané. Évidemment, c’est le point sur lequel on ne peut pas transiger. Donc les gens s’attendent, si jamais il y a une extension mécanique, à ce qu’elle s’intègre dans les phases actuelles du jeu. C’est-à-dire que si tu dois programmer quelque chose, ça se passe à la phase A, que si tu dois résoudre quelque chose de production, ça se passe à la phase B, et ainsi de suite. Donc on doit rester dans le même schéma. En même temps, si tu fais une extension, tu ne peux pas simplement dire qu’il y a des possibilités en plus, parce que tu construis un moteur. Mécaniquement, tu construis un moteur qui génère des ressources. S’il s’emballe trop vite, le jeu ne marche plus. Donc oui, ça avance. Je vois l’éditeur assez régulièrement. Il a testé mécaniquement l’extension il y a moins d’un mois. Il y a toujours des choses qui nous plaisent et qui nous déplaisent. On en discute très régulièrement.
Je ne sais pas encore, vu que ce n’est pas du tout finalisé, quelle forme ça va prendre.
Est-ce que ce sera plutôt des add-ons ? Est-ce qu’il y aura une partie mécanique qui sera vendue séparément ? Est-ce qu’il y aura une boîte avec tout ? Je n’en sais rien. Ce n’est jamais mon débat. C’est un choix d’éditeur. L’éditeur fait ce qu’il faut faire de mieux pour vendre des boîtes. Je lui propose plein de trucs et lui prend dedans.
On peut par exemple parler des nouvelles civilisations. Et comme tu comprends que les civilisations, on ne peut pas rajouter les civilisations à cause du plateau de priorité, nous avons opté pour des civilisations alternatives. Le plateau chinois, au dos, il aurait l’Angleterre. Ce n’est pas le même avantage au début de partie, mais c’est la même piste de priorité. Mais du coup, effectivement, tu les changes l’un contre l’autre quand tu joues.
Changer le pouvoir de début de partie, ça change des fois beaucoup ta structure de jeu, comment il faut réfléchir, comment il faut se préparer, comment tu vas en tirer avantage, et ainsi de suite.
Aucun délai ni date à avancer.


Au dessus la réponse de Fabien sur Facebook sur l’utilisation de l’IA


As tu encore des choses à dire sur polémique surgonflée de l’utilisation de l’IA dans P.O.C. ?

Il y a une excellente interview de Maud CHALMEL sur Ludovox. Elle explique que les écoles d’illustration sont bien embêtées parce qu’elles ont le choix soit de former leurs étudiants à l’IA soit le fait de les en priver et c’est peut-être dommage et du coup elles sont entre les deux. Est-ce qu’elles les forment un outil qui risque de leur piquer du travail ou est-ce qu’elles ne les forment pas et en fait je pense que c’est elle qui a raison sur ce sujet là. Le danger de l’IA, ce ne sont pas les commanditaires. Le danger de l’IA, ce sont les illustrateurs eux-mêmes. C’est qu’au sein d’eux, il y en a une partie qui vont basculer dans l’IA, qui feront des choses peut-être moins chères, peut-être moins bien, je n’en sais rien.
Mais le danger de l’IA, ce n’est pas ceux qui payent les illustrations, c’est ceux qui les produisent.

Mais si aujourd’hui on arrive à se passer des petites mains des nouveaux arrivants, elles ne pourront pas grandir, et on « tuera dans l’œuf » les créatifs de demain, pour reprendre l’expression très juste de l’artiste François Baranger dans un article de Numérama. Bref ça sent le caca et de loin. Alors la solution que les écoles ont trouvée, c’est de former les artistes au prompt. Quitte à aller droit dans le mur, autant leur apprendre à ne pas le dessiner, le mur, pour bien le visualiser.
Le secteur professoral a le cul entre deux chaises. Leur mission est de stimuler la créativité des élèves tout en les préparant au marché du travail. Leur apprendre à prompter va un peu à l’encontre des valeurs des écoles d’Art. Je leur souhaite plein de courage.
Ceci dit, je préfère encore savoir l’IA générative entre les mains des artistes naissants plutôt que dans celles d’un pécore moyen frustré de ne pas savoir dessiner. Nos yeux vont saigner, je vous le dis. Le paysage artistique va de toute façon en prendre un coup. Et notre manière d’apprendre à apprendre aussi. Une fois de plus.

– Maud CHALMEL

Je vous invite chaudement à lire l’intégralité de son intervention dans Ludovox


On passe au jeu suivant ! Pour utiliser le nom Garden of Versailles, vous aviez une autorisation du château ?

Je ne sais pas. Le jeu s’appelle Versailles Garden. Il faudra poser la question à l’éditeur, parce que moi, je me suis posé la question de rien du tout, car ce n’est pas mon rôle 🙂.
D’ailleurs, le nom du prototype était Spring Garden.
Versailles Garden n’est pas encore sorti, parce que Ludically met toute leur énergie en ce moment sur le génial Dungeon Twister, ce qui est tout à fait normal. C’est le gros projet chez eux et c’est un projet qui était entamé bien avant le mien. Les éditeurs sont maîtres de leur agenda. Il n’y a vraiment aucun souci là-dessus. Pour Versailles Garden, je ne pense pas qu’ils aient à priori décidé de faire un financement participatif. Mais là encore, j’ai tendance à dire, si c’est le cas, on regardera ce qui se passe dans le contrat. Je ne sais plus trop ce qui a été décidé. A l’origine, ça ne devait pas en être un. Et s’il y a une question à poser, c’est plutôt à l’éditeur qu’il faut la poser. C’est une réponse de Normand que je te donne. 🙂


On n’aime pas les normands, je préfère les bretons !
Tu as eu quand même pas mal de succès avec Kronologic, avec Path of Civilization ou Turing Machine. Est-ce que du coup, ta part de travail ou ta part que l’éditeur te laisse a augmenté avec ses succès
?

Alors, ni l’un ni l’autre. Déjà, on est deux sur Versailles Garden. J’ai un co-auteur qui s’appelle Nicolas Oury, qui est tout autant impliqué que moi, donc il ne faudrait pas l’oublier !
Quand un éditeur t’accorde sa confiance, en général, après signature, il y a une question de développement du jeu, parce que des fois, il change le titre, le design. Ludically a pris une direction artistique qui n’était pas du tout celle qu’on avait choisie et c’est clairement pour le mieux. Le travail de Laetitia Van Gasse est superbe.
Il nous a fait remarquer que dans la règle à deux joueurs, il trouvait ça âpre et difficile. Et du coup, on a travaillé là-dessus. Et là, tu vois, pour le coup, c’est vraiment lui qui a apporté. Il a dit : « écoutez, on a deux règles bien distinctes, une règle deux joueurs, une règle multijoueur. Est-ce qu’il n’y aurait pas moyen d’unifier ça plus proche entre les deux règles ? »
Très souvent, les éditeurs ont aussi des contraintes de production. Moi, je ne tiens évidemment pas compte quand on fait des protos, mon co-auteur non plus. Donc, à la fin, il vous dit, des cartes XX comme ça, il n’y en aura pas 34 mais 32. On en vire deux. Ce sont parfois des contraintes purement d’usine et d’optimisation économique.
On ne s’impose pas. Pour tous les éditeurs avec lesquels j’ai travaillé, on est généralement consulté. Quand c’est de l’équilibre, quand c’est de la mécanique, on est tout le temps consulté. J’ai tendance à dire que c’est celui qui paye qui décide. Et comme c’est l’éditeur qui paye, c’est lui qui a le mot final.


Tu as un deck building en prépa ?

Oui ! L’éditeur, c’est Zacatrus. C’est un éditeur espagnol. Je peux donner le nom puisque j’ai même le design de la boîte qui est apparu sur mon email juste au début de l’été.
Le jeu s’appelera Time IT. Je ne suis pas sûr qu’il ait fait une annonce officielle !
C’est un deckbuilding qui a des caractéristiques vraiment très différentes :
C’est un deckbuilding à deux joueurs, compétitif, qui commence par une phase de stop ou encore. Sauf que le stop ou encore, quand tu te rates, tu prends des pénalités. Et les pénalités, si t’en as trop, tu perds, mais tant que tu ne dépasses pas la limite, t’en n’as rien à faire…
Le deuxième élément c’est que les cartes elles vont s’acheter aux enchères. Les enchères se font avec des cartes d’argent qui sont une répartition bien particulière et l’autre particularité c’est que l’argent tu l’as à volonté. C’est à dire qu’au moment où tu veux de l’argent, tu prends une pénalité, tu perds 4 points de victoire et tu te refais complètement. Donc il y a un truc un peu bizarre. Tu peux dire « j’achète, je prends, je dépense tout ». Tu pourrais faire un all-in à tous les tours et quand même t’en sortir. Tu pourrais ne rien acheter et quand même t’en sortir. Il faut être plus malin. Un deck building ou tu peux dépenser à volonté ; où la valeur de la carte est choisie par les joueurs plutôt que par l’auteur.
Le troisième twist, c’est qu’on gagne des points de victoire en plaçant ses cartes. On fait un tir à la corde sur le thème du temps. C’est un thème Terminator. Il y en a un qui évolue vers le passé, l’adversaire vers le futur. Et si jamais tu l’atteins à une extrémité, tu as gagné. Du coup, tu peux gagner directement en achetant des cartes de façon très agressive. Mais si tu n’atteins pas le seuil fatidique, le scoring final peut très largement inverser les choses !
C’est un jeu qui est très déroutant dans la compréhension, dans l’appréhension. ça demande vraiment de réfléchir et de comprendre. J’espère que son originalité le fera surnager dans la production ludique actuelle.

Zacatrus va directement le faire en multilingue. il n’y a pas de texte sur les cartes . Il y aura plutôt un appendice dans les règles si jamais tu es en doute et que tu ne comprends pas la symbolique il n’y a pas tant d’icônes que ça donc c’est pas très difficile.
L’équipe de Zacatrus est super chouette, super sympa. Je leur ai présenté plusieurs prototypes directement à Vichy, c’était une rencontre fortuite. Celui-là leur a plu
immédiatement, je lui ai envoyé un print and play dans la semaine qui suivait, je l’ai fait jouer sur Tabletop Simulator une ou deux fois. Il m’a posé deux, trois questions, peut-être dans les une ou deux semaines qui suivaient et on a eu un contrat signé dans les trois mois. Le chef de projet a changé. C’est un petit jeune, il s’appelle Gabriel que je salue, qui a été vraiment très chouette. Il sortira sans doute l’année prochaine.


Tu commences à avoir un nombre de copies vendues assez élevées. Est-ce qu’aujourd’hui, tu pourrais en vivre ?

Non, absolument pas. C’est impossible.
Mon job d’origine c’est informaticien consultant dans une grande entreprise, ce ne sont pas du tout les mêmes salaires qu’un auteur de jeu. Alors il y a des auteurs de jeu qui en vivent très bien parce qu’ils ont des succès mondiaux quand tu vends des millions de boîtes c’est pas du tout la même. Eux ils en vivent très largement. Pour l’instant, mes revenus ludiques ne sont pas dérisoires mais pas du tout comparable à un salaire d’un consultant en informatique de 45 ans. Il n’y a pas match en fait. Un succès planétaire ça vend des millions de copies ça fait des millions d’euros oui c’est vrai mais ça c’est l’exception.
Je suis très étonné du nombre d’auteurs qui se lancent à temps complet comme job comme auteur de jeu, je suis vraiment épaté, ils ont du courage.


Toujours avec des titres en anglais. Tu as Droid Market en édition chez Blue Cocker ?

Je ne sais pas si le titre a été changé ou pas. J’ai fait une relecture des cartes hier matin. Ça, c’est pour bientôt aussi. Ça fait sûrement du Essen 2025. Peut-être avant. La direction artistique qui a été choisie est absolument fantastique. C’est Anne Heidsieck qui a été choisie. C’est également elle qui avait travaillé sur Rest in Peace. Ce qu’elle a fait est absolument superbe. Le projet avance très bien. Je crois qu’en ce moment, l’éditeur est en train de faire des devis un peu partout. Il y a de la relecture de cartes qui se prépare un petit peu partout. Une sortie en 2025 paraît tout à fait envisageable. J’ai vraiment commencé à bosser dessus. Je pense que c’est en 2020. En vrai, je pense que la première version du jeu, c’est en juin 2020. En plus il y a eu le Covid, donc ça n’a pas arrangé les choses.


Ensuite tu as Astrologic (nom provisoire) ?

Ce sera avec les Space Cow.
J’en ai un autre qui va sortir chez Happy Baobab, qui a été signé cette année. Là, pareil, il
n’y a pas de date d’annonce, ça peut être 2026-2027.


Tu travailles beaucoup avec Yoann Levet, je sais que lui travaille sur une version de Myrmes. Est-ce que tu as travaillé à sa version ?

Non, pas du tout. Je suis un grand fan de Myrmes. Je n’ai aucun doute que les ajustements qu’ils vont faire sont les bons. Je sais que Yoann a eu plein d’idées, beaucoup de choses sur le rééquilibrage, sur la mise en place, sur plein de détails. Un jour, il m’en a un peu longuement parlé lors d’un trajet en voiture. Donc, j’ai une confiance absolue dans ce qu’ils vont faire avec l’éditeur.


Pour finir, quels sont tes jeux préférés du moment ?

Dernièrement, j’ai joué à Message from the Stars, c’est un jeu que j’ai découvert aux Etats-Unis édité chez Allplay. C’est exactement ce que j’adore comme
genre de jeu. C’est de la déduction et du code names. C’est absolument incroyable. Quand je dis que c’est la déduction, c’est la vraie déduction. Avec un truc un peu mathématique à comprendre. Tout en donnant un jeu de communication avec des mots. Et puis ces mots doivent faire penser un truc à la fin pour donner un message. C’est coopératif, c’est exactement ce que j’adore. C’est ultra dur de rentrer dans ce genre de jeu parce que quelqu’un qui ne connaît pas le jeu, qui lit la règle et qui dit « Ok, je vais faire l’alien, vous allez faire les machins et on va voir notre score ». Je pense que ça fait un massacre sur une première partie. Mais moi, c’est mon genre à moi, j’aime ça. J’ai beaucoup aimé jouer à Things in Rings du même éditeur, Allplay. Une sorte d’Eleusis, donc forcément ma came. J’aime beaucoup la série Kinfire Delve, vraiment je kiffe. Dungeon Crawler, gestion de main, coop. Tout ce que j’aime dans un format idéal.


Tu étais à la Dice Tower ?

Oui j’en reviens. Les conventions aux Etats-Unis, c’est un truc très différent. On est dans un hôtel, on est complètement choyé. Là, on est en Floride. L’hôtel est absolument incroyable. Des piscines de folie, une salle d’arcade, un spa, etc. Et à côté de ça, tu passes ta journée à jouer, à faire des démos de Path of Civilization. Le rêve !

Ca ne fait pas que bosser !


J’ai vu que t’avais plein de guitares du coup je me suis dit que t’aimais bien la musique. Tes albums que t’écoutes en ce moment ?

Je n’écoute pas de musique, je suis nul en guitare. J’ai vraiment essayé, je suis médiocre. J’ai plein de guitares parce que j’ai vraiment essayé de me mettre à la guitare, que j’ai récupéré la vieille guitare de ma maman, et c’est pas du tout une blague, mais je suis nul, je n’ai aucun sens artistique. Et ce n’est pas faute d’avoir vraiment essayé. J’écoute très peu de musique. J’aurais encore plaisir à écouter un album de Red Hot Chili Peppers.


J’ai fait deux ans de solfège et j’étais nul au triangle… Des films ?

Oui, j’ai vu le comte de Monte Cristo il y a quelques semaines c’était chouette rien à dire j’y étais avec mon fils c’était une très bonne expérience.


Des bouquins, des BD, des mangas, des trucs que tu lis ?

Oui, j’ai lu beaucoup de livres japonais d’une série. Le dévouement du suspect X de Kageishi Ishano (Le Dévouement du suspect X – Keigo Higashino – Babelio). Et toujours de Kageishi Ishano, la semaine dernière, dans l’avion en rentrant, j’ai lu Un Café Maison de Kagei Kishano (Un café maison – Keigo Higashino – Babelio).
Mais le meilleur livre du monde, c’est Gagner la Guerre de Jean-Philippe Jaworski (Gagner la guerre – Jean-Philippe Jaworski – Babelio). C’est un vieux bouquin, un roman de fantasy. Je n’aime pas le fantasy, mais voilà, c’est super bien, et j’ai absolument adoré, absolument adoré.


Merci beaucoup pour cette interview et à très bientôt !

 
Mots clés
Rédigé par
Du rab de Jude_Maw
Super Mega Lucky Box
De Phil Walker-Harding chez Cocktail GamesPour 1 à 6 chanceux de 8...
Lire la suite
0 replies on “L’Interview fleuve de Fabien Gridel”